Quels sont les impacts environnementaux du numérique ?

Décryptage de l’impact du numérique sur l’environnement, avec Ludovic Moulard, head of delivery management chez fifty-five.

/ Publié le 2 mai 2022 à 09h37

Le numérique génère davantage d’émissions de gaz à effet de serre que l’aviation civile. © argentinox - stock.adobe.com

1. Les études du Shift Project démontrent que le numérique représente 3,5 % des émissions de GES et connaît une croissance annuelle de 6 %. Comment expliquer de tels chiffres ? Comment se positionne l’impact polluant du numérique par rapport à d’autres secteurs ?

Même si notre perception du numérique peut nous le faire apparaître comme totalement virtuel, il s’appuie sur un réseau, des appareils et des infrastructures qui sont, eux, bien réels. Voici, selon l’ADEME, la répartition des émissions du numérique en France :

  • 79% proviennent de la production, du transport, de l’usage (alimentation électrique) et de la fin de vie des appareils (ceux des utilisateurs ainsi que les serveurs),
  • 16% proviennent du fonctionnement des data center,
  • 5% proviennent du déploiement et de la gestion du réseau.

À titre de comparaison, le numérique génère davantage d’émissions de gaz à effet de serre (GES) que l’aviation civile, et risque malheureusement de dépasser d’ici quelques années (avant 2030) celles liées aux véhicules roulants – sans parler des autres impacts écologiques.

2. D’un point de vue juridique, quelles sont les lois qui encadrent l’impact du numérique sur l’environnement ?

Concernant l’impact environnemental, il n’existe aujourd’hui pas de loi spécifique concernant le numérique : il est assujetti aux mêmes textes que les autres secteurs. Par exemple, toute entreprise française de plus de 500 collaborateurs est tenue de réaliser un bilan d’émissions de GES (ou « BEGES ») chaque année.

À noter que, dans les esprits, le numérique a longtemps été vu comme vecteur de réduction des émissions, il est donc souvent absent des BEGES, et encore plus souvent dans les plans d’action de réduction des émissions des entreprises.

Je voudrais cependant souligner que les contraintes législatives sont loin d’être la solution à tous les problèmes. Par ailleurs, les institutions mises en place, comme l’ADEME, ont un réel impact significatif et apportent de véritables projets de transformation, déployés dans le secteur public comme privé.

3. Vous proposez une méthode pour calculer l’empreinte carbone liée aux campagnes publicitaires diffusées sur les canaux digitaux. Comment fonctionne-t-elle concrètement ?

Tout d’abord, nous avons voulu cette étude en open source, c’est-à-dire un cas avec des éléments chiffrés et une explication pas à pas de la méthodologie employée pour les calculer. Ainsi, les acteurs peuvent s’approprier la démarche, la réutiliser, et l’appliquer pour commencer à réduire leurs émissions.

Pour détailler un peu l’approche, nous nous sommes appuyés la méthode Bilan Carbone, qui consiste à déterminer des facteurs d’émission qui traduisent des données d’activité (km/passager, m3, GigaOctets, kW/h, etc.) en tonnes de CO2 équivalent.

La méthode de fifty-five pour calculer les GES.

Ensuite, il s’agit de déterminer les données d’activités : c’est là que les difficultés arrivent, car il existe aujourd’hui encore trop peu d’informations disponibles sur le sujet. Nous avons donc dû travailler à partir de notre expertise sur la gestion des campagnes média et les plateformes associées, afin d’en tirer des ordres de grandeur, et ainsi, des enseignements.

4. Lors de la réalisation d’une campagne publicitaire digitale, quelles sont les sources d’émission de GES les plus importantes ?

Grâce à notre étude, on découvre plusieurs aspects critiques dans la création d’une campagne publicitaire :

  1. La réalisation : pour créer un spot publicitaire, la gestion des déplacements des personnes et du matériel peut fortement alourdir le bilan. Ainsi, organiser un tournage en Afrique du Sud avec une star internationale tout en embarquant son équipement par avion peut amener rapidement à dépasser les 700 tonnes de CO2 équivalent – soit à peu près les émissions d’un français durant sa vie entière ! Et l’addition peut être encore plus salée si l’on ajoute à cela un montage 3D par exemple.
  2. La diffusion : en s’intéressant à l’empreinte liée à la diffusion de la campagne, on s’aperçoit que la vidéo a un impact élevé, grâce à un indicateur que l’on a appelé “CO2PM” – en référence au “CPM” (Coût pour mille impressions) communément utilisé en publicité – qui donne l’empreinte en tCO2eq, ramenés à chaque impression ou vue d’une publicité. En effet la vidéo génère davantage de flux de données par rapport à une simple image ou un texte, et sollicite les serveurs des data centers, le réseau et les appareils des utilisateurs. À noter que la taille de la vidéo a un impact important, et que l’on peut donc significativement réduire ses émissions en basculant sur des formats plus courts et en travaillant sur la qualité de la vidéo. Concernant l’impact lié au réseau, on peut choisir de privilégier les utilisateurs qui passent par le réseau Wi-Fi, qui émet 6 fois moins que le réseau pour un même volume de données, et la plupart des régies permettent aujourd’hui de le faire facilement.
  3. Le ciblage : si l’on peut se poser la question de l’intérêt économique du ciblage, il est absolument indéniable qu’une campagne ciblée est moins émettrice qu’une campagne de masse. C’est heureusement de moins en moins courant, mais de nombreux annonceurs réalisent encore une diffusion très large de leurs campagnes, avec peu ou aucun ciblage. Cette pratique, déjà très controversée pour des questions d’expérience utilisateur, est une catastrophe en matière d’empreinte carbone. On multiplie non seulement les impressions et/ou vues inutiles, mais via les réseaux programmatiques, on génère également des millions d’appels serveurs superflus, puisque l’enchère placée sera trop basse pour remporter la mise.

5. Selon vous, la réduction de l’empreinte carbone des campagnes digitales devrait-elle faire partie des priorités en matière de politique RSE des entreprises ?

Pour répondre à cette question, il faudrait regarder le bilan d’émissions de GES de l’entreprise, si bien sûr il tient compte des campagnes publicitaires. Si l’on ne possède pas cette information dans le BEGES, on pourra regarder le niveau d’investissement de l’entreprise dans la pub, en rapport avec ses émissions. Par ailleurs : il est certain qu’un industriel, travaillant exclusivement en B2B, par exemple, aura de faibles investissements publicitaires et potentiellement des procédés de production au contraire très lourds en émissions.

Mais un annonceur conséquent, comme par exemple un constructeur automobile, un acteur dans le domaine des biens de grande consommation, ou encore dans celui du luxe, devrait absolument s’y pencher étant donné le niveau de pression publicitaire exercé, et donc le fort impact potentiel en matière d’émissions. Pour tous ces acteurs, le numérique étant le secteur avec la plus forte croissance des émissions, il convient à notre sens de se pencher sur la question au plus vite.

6. Quels conseils pourriez-vous donner aux marques qui souhaitent réduire leur empreinte carbone liée aux usages numériques ?

De toute évidence, il s’agit d’un sujet de transformation de l’ensemble de l’entreprise. Il n’est donc pas idéal de le mettre dans les mains d’une seule personne ou d’une seule équipe. Voici une méthode qui nous semble judicieuse, et que nous appliquons en interne chez fifty-five :

  1. Définir une gouvernance : l’objectif est de créer un collectif de collaborateurs motivés pour s’engager sur le sujet, dans chacun des corps de métiers numériques, en choisissant des référents ou en émettant un appel à volontaires,
  2. Mesurer l’empreinte carbone : il faut mesurer l’impact des différents dispositifs numériques de l’entreprise. Pour cela, il existe un certain nombre d’offres d’accompagnement sur le sujet, avec des méthodologies générales mises à disposition par l’ADEME, et des expertises spécifiques comme celle de fifty-five sur les campagnes publicitaires,
  3. Sensibiliser les collaborateurs : en commençant par le collectif mis en place, et notamment sur le problème du réchauffement climatique (il existe d’excellents dispositifs sur le sujet comme la Fresque du Climat),
  4. Établir un plan d’action : en s’attaquant d’abord aux sources d’émissions les plus importantes, vous pourrez travailler sur un plan d’action décliné pour chaque corps de métier, en vous appuyant soit sur l’expertise interne, soit sur les solutions des prestataires lorsque cela est pertinent.

Et la très bonne nouvelle sur ce sujet qui peut paraître douloureux, c’est qu’il existe de nombreuses solutions pour réduire son empreinte, avec des opportunités formidables pour rendre nos entreprises plus pérennes, et pour en développer la création de valeur pour notre société, pour leurs clients et pour leurs collaborateurs.

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Quels sont les impacts du numérique ? Le constat est sans appel : le numérique représente 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Et ce chiffre risque de doubler d'ici à 2025. En France, le secteur du numérique représente 2% des émissions de gaz à effet de serre et pourrait atteindre les 7% d'ici 2040.

Quels sont les impacts du numérique ?

Les impacts sont notamment l'épuisement des ressources minérales et fossiles, l'émission de gaz à effet de serre, la consommation d'énergie, l'acidification de l'eau, … Tout d'abord, l'un des premiers problèmes qui se pose est l'extraction des ressources nécessaires à la fabrication des objets électroniques.

Quels sont les impacts sociaux et environnementaux des activités numériques ?

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