Pourquoi peut on dire que lArctique est particulièrement vulnérable au changement climatique

Publié le 21/12/2016 à 18:41 , mis à jour à 18:48

L'interdiction de procéder à de nouveaux forages dans les eaux arctiques américaines et canadiennes, annoncée mardi, vise à protéger l'une des dernières zones vierges de la planète, déjà fragilisée par le réchauffement climatique: revue des principaux enjeux de ce territoire extrême.

Quelle protection pour l'Arctique?

La zone arctique s'étend du Pôle Nord au cercle polaire arctique (66° de latitude), soit environ 21 millions de km2. Elle comprend l'océan Arctique, dont une partie dégèle l'été, et des terres (Canada, Etats-Unis avec l'Alaska, Danemark avec le Groenland, la Russie, la Norvège avec l'archipel du Svalbard et l'Islande).

L'océan (14 millions de km2) englobe notamment les mers de Barents, des Tchouktches, de Beaufort, du Labrador, du Groenland, de Norvège, de Sibérie orientale, etc.

Certaines eaux sont sous juridiction nationale mais, au delà de cette limite, les territoires ne sont soumis à aucune réglementation, contrairement à l'Antarctique protégé par un traité international.

Un conseil de l'Arctique, forum intergouvernemental, réunit les nations riveraines de l'océan Arctique, ainsi que la Finlande et la Suède. Son champ d'intervention s'est à ce jour borné à des accords sur le sauvetage en mer et les secours en cas de marée noire.

Un nouvel accord sur la coopération scientifique devrait voir le jour en 2017, selon Laurent Mayet, représentant de la France pour les pôles.

Les principaux enjeux environnementaux

L'Arctique est un milieu fragile, où le développement de la vie est ralenti par des températures très basses et une très faible luminosité une grande partie de l'année.

Le réchauffement climatique, qui réduit l'étendue de la banquise, est une menace pour plusieurs espèces emblématiques comme les ours polaires et les phoques. Les eaux devenant plus chaudes, de nouvelles espèces de poissons et d'algues y migrent, parfois au détriment des espèces endémiques.

Si des activités humaines devaient s'y développer (pêche, transports de marchandises, tourisme, forages miniers, pétroliers ou gaziers), la faune aquatique serait affectée par la pollution sonore et de l'eau.

Dans cette zone, l'impact de forages défectueux est démultiplié car dans les eaux glacées, il n'existe pas de méthode rapide et efficace pour contenir et nettoyer les fuites d'hydrocarbures. Compte tenu de la fragilité des milieux et des difficultés d'intervention, une marée noire aurait des dégâts irréversibles.

Pour limiter la hausse de la température mondiale en dessous 2°C - l'objectif de la communauté internationale -, environ deux tiers des réserves fossiles connues (pétrole, charbon, gaz) doivent être laissées dans le sol : une estimation incompatible avec l'exploitation de l'Arctique.

Un effet d'entraînement?

Les Etats-Unis ont banni la prospection pétrolière et gazière dans les mers des Tchouktches et de Beaufort et le Canada dans ses eaux.

Selon Laurent Mayet, il faut examiner cette décision à l'aune de la situation des Etats-Unis, qui ont regagné leur indépendance énergétique en misant sur les gaz de schiste, et du Canada, qui mise sur les sables bitumineux.

La situation est totalement différente pour la Norvège et la Russie, qui délivrent régulièrement des permis d'exploration et d'exploitation dans la zone arctique et qui vont sans doute continuer à le faire.

"L'équilibre économico-énergétique de l'Amérique du Nord n'est pas celui de la Russie ou de la Norvège", bien plus dépendants de l'exploitation des hydrocarbures de l'Arctique, résume le diplomate français.

Des forages dans les zones concernées par l'interdiction?

En 2015, Shell a prospecté dans la mer de Tchouktches grâce à une licence accordée par le président américain Barack Obama. Le géant pétrolier a ensuite mis fin à ce forage, qui s'est révélé décevant.

Selon Pierre Terzian, directeur de Pétrostratégies, "il n'y avait pas de projet imminent de prospection" dans les eaux arctiques américaines ou canadiennes". "Pourquoi aller en Arctique alors qu'il y a plein de pétrole ailleurs, que c'est techniquement coûteux et dangereux et que cela présente des risques en terme d'image"?

D'autant que la baisse des prix du pétrole a entamé la capacité d'investissement des sociétés et rendu les forages dans ces zones hostiles absolument pas rentables.

Les seuls forages exploités se situent à proximité des côtes russes et dans les eaux norvégiennes, précise Pierre Terzian pour qui la décision d'Obama est "un message politique", pas une décision ayant un impact immédiat.

"La meilleur garantie pour l'Arctique, c'est un pétrole pas cher", résume-t-il.

L'Arctique est un espace très contraignant au vu de son climat froid. La banquise, le permafrost et la nuit polaire rendent difficile l'occupation des mondes arctiques par les hommes. Toutefois, la présence d'importantes ressources (pêche, hydrocarbures), ainsi que l'ouverture de routes maritimes liées au réchauffement climatique en font une région qui suscite de plus en plus l'intérêt de ses États riverains.

En conséquence, des tensions naissent entre ces derniers, qui privilégient l'exploitation des ressources et la sécurisation militaire de leurs points de passage stratégiques. L'Arctique est aussi un espace très vulnérable, exposé aux pollutions et au réchauffement climatique. Des initiatives sont prises afin de protéger certains espaces des zones arctiques.

I

Un espace aux fortes contraintes

A

Les contraintes des mondes arctiques

L'Arctique, région située aux alentours du pôle Nord, est un espace de climat polaire : le froid y est permanent et peut atteindre -60°C en hiver.

Ces températures rigoureuses sont contraignantes :

  • La plupart du temps, les terres sont couvertes de glace. Chaque année, pendant environ neuf mois, la glace recouvre une partie des mers et forme une banquise. La moitié de la banquise fond en été mais la partie centrale ne dégèle jamais.
  • Certaines terres ne sont pas couvertes de glace toute l'année. Le permafrost est un sol gelé en permanence et parfois jusqu'à 600 mètres de profondeur comme en Sibérie. La surface peut dégeler en été et se transformer en marécage ; l'agriculture y est donc impossible.
  • La végétation est donc extrêmement réduite : seule la toundra (végétation de mousses, lichens, fougères) caractérise certains espaces.

Le pergélisol (ou permafrost) est un sol gelé tout au long de l'année, empêchant toute forme d'agriculture.

Le pergélisol

Hannes Grobe via Wikimedia Commons

Il existe enfin un contraste beaucoup plus important entre la durée du jour et de la nuit : l'hiver, le soleil peut disparaître pendant plusieurs jours voire plusieurs mois à l'extrême nord de l'Arctique (nuit polaire).

L'Arctique est donc un espace peu habité avec 4 millions d'habitants surtout présents dans des villes. La plupart sont des descendant des Européens venus s'installer dès le Moyen Âge et d'autre peuples sont indigènes comme les Inuits. Ces populations ont développé leur civilisation et leurs pratiques de chasse et d'élevage.

B

Un espace de plus en plus intégré aux grandes routes maritimes

Le réchauffement de la planète a été particulièrement important dans les régions arctiques depuis le XXe siècle (+3 °C contre +0,6 °C dans le reste du monde), et il s'est accéléré depuis les années 1990.

Cette hausse des températures provoque une fonte des glaces et donc une réduction des espaces couverts de glace. Si les scientifiques débattent de la vitesse à laquelle la calotte glaciaire fond, ils s'accordent sur l'idée qu'elle est en voie de réduction rapide.

La fonte des glaces a pour conséquence directe d'ouvrir de nouvelles routes maritimes plus courtes entre l'Europe du Nord, l'Asie et les États-Unis. Ces nouveaux espaces navigables comporteraient de nombreux avantages :

  • Ils permettraient notamment d'éviter des détours par les canaux de Suez, de Panama et par le cap Horn et le cap de Bonne Espérance.
  • En plus d'être moins longues, ces routes maritimes passent plus près que les routes traditionnelles vers les principaux marchés de la planète comme l'Europe ou l'Amérique du Nord.
  • Enfin, ils permettraient d'éviter le passage par des zones rendues périlleuses à la navigation à cause de la piraterie qui sévit, dans le golfe d'Aden notamment.

Par les routes du nord, les trajets entre l'Europe et l'Asie seraient réduits de 30 à 40%.

Les nouvelles routes maritimes en Arctique

Toutefois, ces nouvelles routes maritimes demeurent contraignantes et risquées :

  • Le gain en distance pourrait être annulé par la nécessaire réduction de vitesse pour les navires empruntant ces routes.
  • De plus ces navires devraient être plus petits, mieux équipés et comprendre un équipage plus qualifié.
  • À cela s'ajoutent les difficultés d'intervenir pour aider un bateau en détresse dans la zone.
  • Le risque de heurter une glace dérivante augmente sensiblement les risques d'accident et de pollution.

II

Un espace aux ressources convoitées

A

Les richesses des mondes arctiques

La région arctique dispose d'importantes ressources dans ses sous-sols marins et terrestres ainsi que dans son espace maritime.

Les estimations font de la zone arctique une des principales réserves d'hydrocarbures au monde :

  • 13% des réserves de pétrole
  • 30% des réserves de gaz naturel

Il existerait aussi de nombreux minerais présent dans le sol comme le nickel, le cuivre, le palladium, les diamants, le zinc, l'or, etc.

De nombreux projets existent quant à l'exploitation par le biais des plates-formes offshore dans des zones encore inexploitées. Mais il faut tenir aussi compte des contraintes qui rendent l'exploitation de ces richesses très coûteuse.

Les ressources halieutiques de la région arctique font l'objet d'une attention accrue, la fonte des glaces permettant l'accès à de nouvelles zones de pêche riches. Bien que l'ensemble des ressources de ce type ne soit pas connu, certaines espèces de la zone sont particulièrement convoitées comme la morue, le colin, l'aiglefin, le merlan bleu, le hareng et le capelan.

Ressources halieutiques

Les ressources halieutiques sont l'ensemble des ressources animales et végétales des milieux marins exploités par l'Homme.

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Un espace divisé politiquement

L'évolution de la situation de la région arctique fait naître de nouvelles tensions et concurrences entre les États riverains : Canada, États-Unis, Danemark (Groenland), Norvège, Russie.

  • La Russie est l'un des pays les plus concernés : sa façade maritime arctique est très importante, ses régions arctiques regroupent 2 millions d'habitants et elle se situe au cœur de plusieurs routes maritimes potentielles ou déjà utilisées (détroit de Béring, route du nord-est).
  • Le Canada possède également des territoires qui font partie de la zone arctique, notamment le vaste archipel arctique canadien. Ces régions arctiques regroupent plus de 100 000 habitants. Le passage maritime du nord-ouest passe au cœur de cet espace.
  • La région de l'Alaska, aux États-Unis, borde l'Arctique au niveau du détroit de Béring.
  • Le Danemark est particulièrement concerné par les enjeux du monde arctique puisqu'il détient le Groenland, territoire cependant autonome depuis 1979.
  • La Norvège et son archipel de Svalbard bordent enfin l'espace arctique en mer de Barents.

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Un espace de tensions

Le droit de la mer des Nations unies définit les eaux territoriales des États et les Zones économiques exclusives (ZEE) qui s'étendent jusqu'à 200 miles des côtes. Nombreux sont les États qui ont contesté leur ZEE, ce qui est permis par la convention, arguant de la présence d'un plateau continental qui leur permet de revendiquer des ZEE au-delà des 200 milles. Ces revendications peuvent avoir pour objectif une recherche de prestige et d'affirmation par rapport aux autres pays de la zone mais recoupent souvent des intérêts économiques. Les tensions géopolitiques entre ces États concernent des enjeux croissants à mesure que le réchauffement climatique modifie la géographie de la région arctique.

Les États-Unis et le Canada ne sont pas d'accord sur la délimitation de leurs ZEE à la frontière entre le Yukon et l'Alaska, en mer de Beaufort.

L'île Hans fait l'objet de revendications de la part du Canada et du Danemark.

Les revendications territoriales en Arctique

Face à cette montée des tensions, l'espace arctique est de plus en plus militarisé. Initié par la Russie qui a affirmé cet espace comme une point stratégique de sa défense, les États-Unis lui ont emboité le pas et ont intégré la zone dans leur bouclier anti-missile. Les navires de guerre sont d'ailleurs particulièrement présents dans les mers arctiques.

III

Les mondes arctiques : un enjeu pour les équilibres internationaux

A

Un espace et des populations vulnérables

En plus d'être particulièrement affecté par le réchauffement climatique, l'Arctique est victime de pollutions nombreuses et importantes, transportées par les courants atmosphériques et océaniques, ou encore importées par les hommes.

  • Les types de pollution sont nombreux : gaz à effet de serre, produits toxiques, déchets plastiques, déchets radioactifs.
  • Les sources de cette pollution sont diverses : bases scientifiques et militaires implantées sur le continent arctique, activités d'exploitation d'hydrocarbures, extractions minières, stockage de déchets dans des fosses étanches.

Les populations autochtones sont les premières victimes de la pollution et du changement climatique.

  • Leur mode de vie est mis en péril : la période de chasse est de plus en plus courte, la végétation se fait plus rare pour nourrir les élevages. La confrontation au modèle occidental affaiblit par ailleurs la pérennité de leur civilisation (problèmes d'alcoolisme, fin de la transmission de la langue).
  • La pollution les affecte : les populations autochtones sont particulièrement touchées par la contamination aux métaux lourds.

B

Quelle coopération internationale pour répondre aux enjeux environnementaux ?

Plusieurs pays et organisations cherchent à préserver et protéger l'espace arctique à travers des initiatives et des projets spécifiques :

  • L'archipel norvégien du Svalbard voit un nombre croissant de ses territoires protégés par un statut de réserve naturelle ou de parc national.
  • Les États polaires lancent des projets de dépollution de bases militaires abandonnées ou de sites de pollution radioactive.

Toutefois, si de nouveaux espaces protégés sont créés, les espaces dédiés à l'exploitation minière ou d'hydrocarbures, particulièrement polluants, continuent également à se multiplier.

Afin de promouvoir et d'encourager les projets de protection de l'environnement arctique, des formes de coopération entre États ont vu le jour :

  • En 1996, le Conseil de l'Arctique a été créé par huit États riverains ou proches de la région (Canada, Danemark, États-Unis, Finlande, Islande, Norvège, Russie, Suède), afin de discuter et d'encourager les projets de développement durable. Le conseil n'aborde pas les questions militaires.
  • L'Union européenne a créé en 1997 un programme appelé "la dimension nordique", visant à faciliter la coopération entre l'UE, la Russie, l'Islande et la Norvège pour la protection de l'environnement et des populations de la région européenne arctique.

Pourquoi l'Arctique est un milieu fragile ?

Le réchauffement climatique, qui réduit l'étendue de la banquise, est une menace pour plusieurs espèces emblématiques comme les ours polaires et les phoques. Les eaux devenant plus chaudes, de nouvelles espèces de poissons et d'algues y migrent, parfois au détriment des espèces endémiques.

Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique pour l'Arctique ?

En effet, l'amplification polaire du changement climatique, qui conduit les hautes latitudes à se réchauffer près de deux fois plus vite que les régions tempérées, entraîne la diminution progressive de certaines zones englacées : dans l'hémisphère nord, l'inlandsis groenlandais et la banquise arctique estivale ; dans l ...

Pourquoi Pouvons

L'Arctique est resté très longtemps en marge du peuplement de la planète à cause du froid et de l'éloignement des grands foyers de peuplement. Ce milieu fragile est bouleversé par le changement climatique, qui facilite l'exploitation de ses ressources en rompant peu à peu son isolement.

Pourquoi le changement climatique augmente l'attractivité de l'Arctique ?

La fonte de la banquise induite par le changement climatique ouvre l'accès aux ressources naturelles, aux routes maritimes et aux zones touristiques polaires, offrant ainsi de nouvelles opportunités de développement économique en Arctique.

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