Impact du changement climatique sur le littoral

Les études concernant le changement climatique sont vues ici au sens plus prospectives que les études de gestion des risques. Il s’agit de se projeter et envisager le littoral de demain au travers de tous les aléas.

1La submersion marine désigne une inondation temporaire de la zone côtière par la mer dans des conditions météorologiques extrêmes, pouvant cumuler dépression atmosphérique, vent violent, forte houle, associés aux phénomènes marégraphiques, provoquant une surélévation du niveau moyen de la mer, aggravés lorsque ces phénomènes se conjuguent à l’occasion d’une tempête, (Direction Régionale de l’Environnement Languedoc Roussillon, 2008). Il s’agit d’un phénomène brutal, de courte durée, qui se produit de manière périodique et qui s’aggravera avec les effets du changement climatique. Cette invasion par des eaux salées est particulièrement dommageable pour les biens bâtis ou non bâtis et contribue au recul du trait de côte.

2Depuis des millénaires, l’Homme lutte contre la mer en créant des polders, en construisant des digues, tout en continuant d’urbaniser le littoral. Devant l’élévation du niveau des mers observée et prévue, les acteurs publics prennent conscience qu’il n’est plus possible d’envisager de lutter systématiquement contre la mer, et qu’il est indispensable d’anticiper les évolutions du littoral.

3Il s’agit donc aujourd’hui de s’interroger sur les stratégies de gestion et de défense du littoral qui doivent être mises en œuvre pour faire face au risque de submersion marine. Pour les mettre en pratique, quels sont les outils juridiques disponibles ou envisageables pour limiter la vulnérabilité du littoral ou s’adapter aux risques de submersion ?

4Le littoral est un espace sensible sur lequel se sont développées de nombreuses activités (pêche, activités commerciales, loisirs, tourisme). Très convoité depuis les années 70, il est encore aujourd’hui la proie dune forte pression foncière. Le littoral français accueille 6 millions de résidents permanents soit une densité de population de 281 habitants par km2, c’est-à-dire 2,5 fois supérieure à la moyenne métropolitaine (Observatoire du Littoral, 2009), et attire des millions de touristes chaque année, aboutissant à un doublement de population en été (13 millions de personnes, chiffres de l’Institut Français de l’Environnement (IFEN, 2007). On recense environ 770000 personnes dans les zones proches de la mer, dont 235000 dans les zones situées à moins de 2 mètres au-dessus du niveau de la mer (Mission Risques Naturels, 2010).

5Cette zone tant sollicitée se trouve aujourd’hui fragilisée et menacée par les aléas naturels et l’urbanisation croissante.

6Ainsi les travaux du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) ont validé l’hypothèse de la montée prévisible du niveau de la mer du fait du changement climatique (18 à 59 cm en 2100), qui accroîtra le risque de submersion. Aujourd’hui il est certain que le changement climatique aura des conséquences de plus en plus importantes sur bon nombre de côtes, qui imposeront une nouvelle approche de la gestion des risques liés à la montée du niveau de la mer et aux évènements météorologiques extrêmes.

7Effectivement, il est désormais reconnu qu’il est impossible, et en effet, peu souhaitable de défendre par des ouvrages toutes les parties de nos côtes. Le développement de stratégies de gestion des risques côtiers doit être basé sur une compréhension exhaustive de l’évolution de la côte et de ses processus naturels, (Mc Innes Obe, 2006)

1 - L’évolution des moyens de lutte contre les submersions marines

8Face aux moyens de défense contre la mer qualifiés de défense lourde et statique, et reconnus comme coupables de déstabiliser l’équilibre des côtes, il existe des méthodes alternatives qui sont aujourd’hui privilégiées par les politiques publiques.

1.1 - Les moyens de défense contre la mer et leurs limites: des techniques lourdes aux techniques douces

9Les digues sont les infrastructures les plus utilisées pour lutter contre la submersion marine.

10Pendant des années, elles ont été édifiées sur le domaine public maritime, afin de protéger habitations et terres agricoles, malgré la complexité juridique et le coût financier de ces infrastructures. On peut constater finalement que l’utilisation des digues a été souvent détournée de son but initial: en donnant un sentiment de sécurité, elles légitiment le développement d’une urbanisation toujours plus importante.

11Or, ces ouvrages de défense contre la mer se situent à l’intérieur de la bande littorale des 100 mètres, désignée comme inconstructible par la loi Littoral de 1986, par laquelle le législateur a souhaité limiter l’artificialisation du littoral et protéger certains espaces naturels. Cette loi n’édicte pas une interdiction générale de construire, mais elle tente de contenir l’urbanisation, en posant notamment le principe de l’inconstructibilité en dehors des espaces déjà urbanisés sur la bande littorale des 100 mètres (ou plus de 100 m si le PLU le prévoit).

12Dès lors, les ouvrages de défense contre la mer qui se situent à l’intérieur de ce périmètre sont soumis à un régime juridique ad hoc impliquant, outre le permis de construire de droit commun, des autorisations particulières. Ils bénéficient d’un régime dérogatoire du droit commun, puisque la loi Littoral permet uniquement la réalisation d’ouvrages liés à un service public ou des travaux publics répondant à des impératifs de localisation, comme les opérations de défense contre la mer.

13Les digues ont un régime distinct selon le lieu d’implantation de l’ouvrage: concession d’endigage lorsqu’elles sont édifiées par un maître de l’ouvrage autre que l’État sur le domaine public maritime ou déclaration d’intérêt général, lorsqu’elles se trouvent sur un terrain privé.

14En outre, leur construction et leur entretien s’avèrent très onéreux. C’est pourquoi les collectivités locales et les départements sont sollicités pour le financement, ainsi que l’État qui peut subventionner directement ou indirectement les charges de premier établissement et d’entretien.

15De nombreuses questions se posent sur les responsabilités en cas de rupture d’un tel ouvrage. La jurisprudence retient souvent la responsabilité du maire sur le fondement de son pouvoir de police, qui lui donne une obligation générale de prévention des risques naturels, comprenant notamment « le soin de prévenir par des précautions convenables, les ruptures de digues » (article 2212-2 du Code Général des Collectivités Territoriales). Il est souvent difficile d’établir la propriété de ces infrastructures (État, départements, communes, syndicat mixte ...), ce qui rend plus difficile la mise en jeu de la responsabilité concernant leur entretien.

16Au-delà de ces questions juridiques, les digues peuvent engendrer des problèmes environnementaux: outre l’artificialisation du littoral, une érosion sous-marine peut être constatée à leur pied, la fixation du rivage peut être inefficace en cas de mauvais calibrage, le risque de submersion peut se déplacer et provoquer ainsi des conséquences dommageables à d’autres endroits du trait de côte jusque-là non exposés. Par ailleurs en cas de rupture de digue, la catastrophe peut parfois s’avérer plus importante que si une autre stratégie de défense avait été mise en place. Effectivement, l’urbanisation autorisée à l’arrière des digues peut engendrer un risque mortel pour les occupants en cas de rupture brutale de l’ouvrage, comme l’a malheureusement illustré la tempête Xynthia, qui a tué 47 personnes sur les côtes vendéennes en février 2010.

17C’est pourquoi ces techniques de défense contre la mer, coûteuses, complexes et néfastes pour l’environnement sont peu à peu concurrencées par des techniques plus douces.

18Parmi ces méthodes, on peut citer le rechargement de plage, consistant à réintroduire du sable sur les plages, qui est devenue l’une des techniques les plus utilisées depuis ces dix dernières années pour lutter contre l’érosion du trait de côte dans les zones sableuses. Cette érosion est due à une carence en sédiments, apportés par la dérive littorale. Les plages rétrécissent et la mer menace alors les infrastructures en bordure de côte, ce qui contribue à accentuer le risque de submersion marine. Cette technique a donc pour but de rétablir l’équilibre de la plage et d’apporter artificiellement les sédiments manquants. Il s’agit d’imiter des processus naturels pour aider l’écosystème littoral à se reconstituer et à se renforcer.

19D’autres techniques innovantes sont utilisées telles la plantation d’espèces qui permettent de stabiliser la dune, ou le maintien de biomasses sur la plage immergée (posidonies), la reconstitution des dunes, ou encore la mise en place de haies brise-vent en châtaignier (ganivelles), qui vont stabiliser la réserve de sable située en haut de plage. Des mesures peuvent aussi être prises pour limiter la fréquentation des dunes et éviter le piétinement.

20Enfin, une autre option se développe, nommée repli stratégique, introduite par la loi « Barnier » de 1995 et renforcée par la loi « Bachelot » de 2003. Elle consiste à déterminer une zone de recul des infrastructures, afin de constituer une zone tampon entre le rivage et les activités socio-économiques situées à l’arrière. Cette solution est souvent intéressante économiquement à long terme car le nouveau trait de côte est moins exposé à l’action des vagues et l’impact
le fonctionnement sédimentaire et réduit. De plus, elle permet de restaurer le caractère naturel du site et de préserver son attrait touristique.

21En revanche, les inconvénients sont d’ordre économique et social, en raison du déplacement nécessaire de certaines activités et équipements et des expropriations qui en découlent. Le déplacement des activités présente aussi, dans certains cas, l’inconvénient de consommer des espaces à l’arrière du littoral, dans des zones qui pouvaient être encore à l’état naturel.

22Le recours au recul du rivage n’est donc possible que dans la mesure où les enjeux économiques, écologiques et l’acceptation des populations le permettent.

23La solution du repli stratégique a été retenue à Sète et à Carnon près de la Grande-Motte. Dans les deux cas, il s’agissait du déplacement d’un seul équipement: une route côtière. Ces deux exemples pilotes démontrent pourtant la difficulté de faire accepter la technique du repli stratégique. En effet, le déplacement de la route a pu faire l’objet de nombreuses critiques, notamment à Carnon, où le recul a rendu plus difficile l’accès à la plage, à laquelle on ne peut désormais accéder que par une navette, après avoir laissé son véhicule dans un parking payant. Plusieurs associations ont ainsi argumenté sur le fait que le principe du libre accès à la plage prévu par l’article L321-9 du code de l’Environnement n’était plus respecté.

24Par suite, dans les zones urbanisées, les élus locaux préfèrent utiliser la technique du rechargement des plages, le déplacement des populations restant une solution envisageable en dernier recours. En effet, accepter de laisser la mer avancer et déplacer les installations est difficile dans les nombreuses communes du littoral où le tourisme est la principale ressource économique.

25Pourtant, la tempête Xynthia a véritablement démontré, pour la première fois, en 2010, la vulnérabilité du littoral français et relancé la question du recul stratégique. L’État a en effet annoncé le déplacement des populations se trouvant dans les zones de très forte vulnérabilité. Cela ne se fera pas sans heurts malgré l’expérience douloureuse de cette catastrophe, qui a causé la mort de 47 personnes. Mais la décision de l’État d’appliquer le recul stratégique montre une prise de conscience du risque de submersion marine au niveau national, ainsi qu’un changement de posture face à ce risque, même si nombre de décideurs locaux et de particuliers ne sont pas encore prêts à reculer face à la mer.

1.2 - La recherche d’une gestion durable et équilibrée du littoral

26Les techniques douces sont également prônées par l’Union européenne qui souhaite que les États membres adoptent des principes de planification stratégique dans les zones littorales, afin de conserver et d’utiliser rationnellement ces espaces fragiles. Cette volonté de concilier protection et développement durable se traduit dans la démarche de Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC). Il s’agit d’une approche globale des problèmes croissants rencontrés en zone côtière, que ce soit sur le littoral terrestre ou dans la zone marine proche du rivage. La GIZC permet de mettre en place une politique de lutte contre les risques littoraux qui prenne en compte les enjeux locaux.

27Le projet du lido de Sète Marseillan constitue un exemple de mise en œuvre, en termes de méthode comme de contenu, de la GIZC.

28Le site, une bande sableuse de 11 km de longueur et de 1 à 2 km de largeur qui sépare l’étang de Thau de la mer est considéré comme un espace emblématique du littoral languedocien. Traversé par une voie ferrée et une route littorale importante reliant Sète à Marseillan et Agde, il abrite des activités économiques (tourisme balnéaire, camping, viticulture et usine d’embouteillage), tout en présentant un fort intérêt écologique. Or la forte érosion côtière du site est aggravée par la présence de la route construite en haut de plage. Cette érosion a, depuis les grandes tempêtes de 1982 et 1997, un impact important sur les activités présentes sur le lido et remet en cause, à terme, leur pérennité. Elle se traduit surtout par des coupures de plus en plus fréquentes de la route, qui nécessitent chaque année, des interventions de plus en plus lourdes et coûteuses (enrochements). La présence de la route encourage en été, une fréquentation touristique aussi élevée (plus de 800000 visiteurs par an) qu’anarchique, avec le stationnement le long de la voie, presque sur la plage, de milliers de véhicules et de camping cars, qui accentuent l’image très dégradée du site. » (Hérisson et al., 2005)

29C’est pourquoi les pouvoirs publics et acteurs locaux (communauté d’agglomération du bassin de Thau) se sont emparés du dossier et ont mis en place, depuis fin 2003, un projet s’inspirant du mode de fonctionnement de la GIZC. Ce projet vise à reculer, d’ici 2011, la route littorale en arrière du cordon dunaire, le long de la voie ferrée, en la traitant comme une voie de découverte du lido, avec piste cyclable et navette de desserte. Ce qui permettra de reconstituer d’une part une plage large de plus de 70 m et d’autre part un système dunaire qui assurera une protection durable contre l’érosion. Il s’agira de« différencier trois types de plages (sauvage, semi-naturelle et urbaine), en fonction de leur niveau d’équipement et de leur accessibilité et de requalifier les milieux naturels dégradés, tout en conservant des conditions d’exploitation viables pour l’activité viticole ». (Hérisson et al., 2005) Cependant ce projet de réaménagement est assez décrié. Ainsi, le réseau Hippocampe, une association de protection de l’environnement du littoral méditerranéen, relaie les inquiétudes relatives à ce projet. Il met notamment l’accent sur la vente de ces futurs terrains réaménagés à des promoteurs privés, aux dépens des espaces naturels, mais aussi des activités traditionnelles du site. Des recours juridiques ont été déposés par plusieurs associations, qui craignent que ce réaménagement du lido ne cache une spéculation foncière et à terme une nouvelle exploitation des sites dommageable à l’environnement.

30On constate donc que le littoral en tant que territoire attractif reste soumis à de fortes pressions et que les enjeux économiques prévalent souvent sur les préoccupations environnementales. De plus, cet exemple fait craindre que les élus locaux n’interprètent à leur guise les principes contenus dans la politique de GIZC, la vidant ainsi de son but premier, qui est de protéger le littoral.

31On peut donc constater la difficulté de s’orienter à l’heure actuelle, vers une gestion durable et équilibrée. Ce mode de gestion doit s’accompagner réellement d’un changement des mentalités, car il pose la question: doit-on protéger à n’importe quel prix?

32D’une part, en effet, les moyens de défense contre la mer ont montré leurs limites: ils ont parfois manqué de suivi et d’entretien, ont modifié la dérive littorale sur les secteurs voisins et ont également conduit à une artificialisation importante du littoral à certains endroits.

33D’autre part, on constate que le coût des moyens de lutte contre la mer est parfois supérieur à la valeur des intérêts protégés. Il apparaît aujourd’hui que des choix devront être faits en termes d’aménagement, qu’il ne sera pas possible de tout protéger toujours, que certains secteurs sont à privilégier, ce qui suppose dans ce cas, l’apport de moyens importants.

34Ce mode de gestion intégrée du littoral marque alors la fin de la lutte active systématique contre la mer et le passage d’une logique d’adaptation du milieu à l’homme, à celle de l’adaptation de l’homme à son milieu. C’est pourquoi, les stratégies d’aménagement s’orientent aujourd’hui vers un recul de l’urbanisation.

2 - Les outils d’aménagement permettant de faire reculer l’urbanisation

35Cette volonté de faire reculer l’urbanisation littorale se retrouve à travers les différentes mesures de prévention qui peuvent être mises en œuvre. Il peut s’agir d’outils existants qui peuvent contribuer à faire reculer l’urbanisation littorale ou bien d’outils nouveaux élaborés spécialement pour faire face au risque de submersion marine.

2.1 - La prescription d’un plan de prévention des risques naturels (PPR)

36La loi Barnier a créé les PPR en 1995 afin de prendre en compte, dans l’utilisation des sols, les risques naturels identifiés sur la zone et d’éviter l’aggravation de ces risques. Ces plans ont pour vocation de délimiter d’une part les zones exposées aux risques et, d’autre part, celles où tout aménagement pourrait aggraver ou favoriser l’apparition de risques; ils définissent par ailleurs les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde à prendre par les collectivités publiques ou par les particuliers, ainsi que, en tant que de besoin, les mesures obligatoires relatives à l’existant (MEDADT, 1997).

37Sur la base de ce document, les zones étant identifiées comme potentiellement à risques peuvent être soumises à un certain nombre de prescriptions afin de limiter les dommages: possibilité de construire conditionnée à certaines mesures techniques, ou interdiction de construire quand l’ampleur du risque le justifie.

38Le PPR est une servitude d’utilité publique associée à des sanctions pénales en cas de non-respect de ses prescriptions.

39La prise en compte du risque de submersion marine peut se faire à travers différents types de PPR.

40En premier lieu, les plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) prennent parfois en compte le risque de submersion sur le littoral. Mais il apparaît que sur l’ensemble des PPRI qui sont bien renseignés (soit seulement 49%), seulement 1% prennent en compte le risque de submersion marine (Mission Risques Naturels, 2010).

41En second lieu, le plan de prévention des risques littoraux peut prendre en compte la submersion parmi plusieurs risques présents sur le littoral. Il ne vise pas à élaborer une politique spécifique à ce risque, mais à prendre en compte de manière globale les risques littoraux.

42Enfin, les PPR Submersion Marine (PPRSM) sont quant à eux des documents spécifiques aux submersions marines. Ils constituent un outil essentiel de la politique définie par l’État en matière de prévention des risques de submersion marine et de gestion des zones exposées à ce risque.

43Sur le territoire français, on dénombre environ 46 PPRSM approuvés. Ce nombre paraît infime quand on sait que ce risque concerne un peu plus de 1400 communes (Mission Risques Naturels, 2010). En effet, on constate que plusieurs milliers d’arrêtés de catastrophes naturelles, tous risques littoraux confondus (submersion marine, érosion…) ont été pris sur l’ensemble des côtes. Le nombre d’arrêtés « CatNat » littoral s’élève à 2082 pour l’année 2009, et à 2676 pour l’année 1999 en sachant que ces deux années sont celles qui ont connu le plus de catastrophes naturelles depuis 20 ans(base GASPAR, sur le site PRIM.net). Parmi les départements les plus touchés par des arrêtés de catastrophes naturelles, la Gironde et les Pyrénées-Atlantiques (1000 arrêtés entre 1989 et 2009), la Seine maritime (500). Sur la côte méditerranéenne, l’Aude et les Pyrénées Orientales sont les plus impactés (Deboudt, 2010).

44 Pour autant, la reconnaissance de ces catastrophes naturelles n’a pas permis de relancer l’élaboration de PPR sur les communes littorales. Le plus grand nombre de PPRSM a été approuvé dans le Finistère et dans le Morbihan. Sur la rive méditerranéenne, certains plans de prévention des risques d’inondation prennent également en compte le risque de submersion marine, mais il n’existe actuellement aucun plan de prévention spécifique à la submersion. Seul un PPRSM est à l’étude en Camargue, sur les communes des Saintes-Maries-de-la-Mer, d’Arles et de Port-St-Louis-du-Rhône, mais à l’heure actuelle cette étude porte uniquement sur la définition de l’aléa et n’engage en rien la commune qui, par la suite n’est nullement tenue de l’adopter.

45On peut essayer d’expliquer cette absence de PPRSM en Méditerranée, par l’importance des contraintes matérielles et financières que ce type de plan entraîne. Surtout, les prescriptions concernant l’interdiction de construire se heurtent à une pression foncière plus importante sur les côtes du sud de la France qu’en Bretagne. De plus les études portant sur les submersions se projettent souvent sur des périodes qui semblent lointaines, ce qui a pour conséquence de ne pas rendre le danger immédiatement évident aux yeux des habitants et des élus locaux. L’échéance ne semblant pas urgente, l’approbation et même la prescription d’un plan de prévention des risques tardent à être mises en œuvre.

46Ces éléments peuvent expliquer le faible nombre de PPRSM, mais il ne faut pas oublier que même si ce plan demeure l’outil le plus efficace et le mieux adapté pour gérer les submersions marines, la politique de prévention doit être une politique globale déclinée sur l’ensemble des territoires, soumis aux risques naturels ou non.

47Ainsi, à l’échelle régionale et interrégionale, la prévention des risques peut s’inscrire dans les contrats de plan et dans les directives territoriales d’aménagement alors qu’à l’échelle départementale, il peut exister des schémas départementaux de prévention. De fait en Bretagne, les PPRSM sont souvent inscrits dans un schéma de prévention des risques; ils se trouvent donc inclus dans une politique globale de gestion du risque et l’on voit apparaître des PPR de deuxième génération, qui s’orientent vers une étude plus fine du phénomène de submersion et sont mieux ciblés sur les enjeux importants. Cette amélioration accompagne la prise de conscience du risque de submersion au niveau des politiques nationales aussi bien qu’européennes.

48De même à l’échelle communale et supra communale, les documents d’urbanisme élaborés par les collectivités territoriales (SCOT, PLU) ont l’obligation de prendre en compte la prévention des risques naturels.

49Ainsi, même si le PPR est l’outil majeur de la prévention, d’autres mesures de planification et d’aménagement du territoire peuvent également être adoptées dans le but de réduire la vulnérabilité au risque de submersions marines.

2.2 - L’adaptation des outils juridiques existants

50D’autres techniques foncières qui ne sont pas spécifiques à la submersion marine peuvent être mises en œuvre afin de faire reculer l’urbanisation du littoral et ainsi réduire la vulnérabilité au risque de submersions marines. Ces mesures font intervenir différents acteurs (communes, conseil général, Conservatoire du littoral…).

51La plus impopulaire et la plus lourde à mettre en œuvre est l’expropriation des habitations menacées. Le code de l’environnement prévoit en effet la possibilité d’utiliser la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique pour des biens soumis à certains risques naturels majeurs (art. R561-1 du code de l’environnement). Cette disposition ne s’appliquait pas initialement aux biens soumis aux risques de submersion marine, mais à la suite de la tempête Xynthia du 27 et 28 février 2010, un amendement (amendement no1241 au projet de loi portant engagement national pour l’environnement) a été adopté qui permet désormais de faire appel à la procédure d’expropriation dès lors que des biens se trouvent exposés à un risque de submersion marine menaçant gravement des vies humaines.

52Si, jusqu’à présent, la voie de l’expropriation restait très marginale sur le littoral français, l’une des conséquences de la tempête Xynthia sera sûrement de privilégier cette solution, notamment dans le cas où aucun ouvrage ne peut garantir la sécurité des habitants.

53L’échange de terrains peut aussi être utilisé pour limiter l’urbanisation sur le littoral. Une commune peut dans le cadre de la gestion de son patrimoine, procéder par voie d’échange de terrains avec des particuliers, sous réserve que les terrains échangés relèvent de son domaine privé et à l’exception de ceux soumis à dispositions particulières. (Réponse ministérielle, 2003)

54Le législateur a également donné à certaines collectivités ou organismes publics la possibilité d’exercer un droit de préemption à l’occasion de l’aliénation volontaire par leur propriétaire de certains biens soumis à des risques naturels. Il s’agit là d’un droit légal ou contractuel accordé à certaines personnes privées ou publiques d’acquérir un bien par priorité à toute autre personne, lorsque le propriétaire manifeste sa volonté de le vendre.

55Le Conservatoire du littoral qui est un établissement public administratif, peut ainsi jouer un rôle important dans la protection du rivage et le recul de l’urbanisation. Il complète la protection réglementaire par l’intervention foncière en menant, après avis des Conseils municipaux et en partenariat avec les collectivités territoriales, une politique foncière de sauvegarde de l’espace littoral, de respect des sites naturels et de l’équilibre écologique. Le Conservatoire apparaît ainsi comme une agence foncière publique, dotée des moyens juridiques et financiers de l’État (35 millions d’euros en 2007) auxquels s’ajoutent 10 millions d’euros environ provenant des collectivités territoriales, des Agences de l’eau, de l’Union européenne et du mécénat. Ces moyens permettent l’achat à l’amiable (80% des opérations) ou par préemption ou expropriation, ainsi que l’affectation, l’attribution ou la mise en servitude d’espaces terrestres ou maritimes.

56Les assureurs peuvent également jouer un rôle important dans le recul de l’urbanisation. Le nombre de catastrophes naturelles ne cessant de croître ces dernières années, les assureurs ont tout intérêt à ce que l’urbanisation en bord de mer soit limitée, c’est pourquoi ils incitent fortement à la prescription de PPR. L’accélération de la prescription des PPR après la loi Barnier de 1995 s’explique en partie par la mise en place par les assureurs d’une modulation de franchise applicable en cas de sinistre. En l’absence de PPR approuvé, le montant de la franchise sera fonction du nombre d’arrêtés de catastrophe naturelle publiés pour un même type d’événement depuis 1995. En outre, les assureurs ne sont plus tenus d’assurer les nouvelles constructions bâties sur une zone déclarée inconstructible par un PPR.

57L’assurance peut donc apparaître aujourd’hui comme un réel outil de dissuasion à l’urbanisation des zones soumises au risque.

58Cependant, un autre mécanisme peut trouver à s’appliquer sur l’urbanisme littoral soumis aux submersions marines: il s’agit de la délimitation du domaine public maritime.

3 - Les conséquences du phénomène de submersion marine sur la délimitation du domaine public maritime

59La montée du niveau de la mer génère de nouvelles questions juridiques: quel statut revêtent ces terres récemment submergées? À qui vont-elles appartenir?

60En France, les terres submersibles par la mer sont réputées faire partie du domaine public maritime. Des terrains privés qui sont envahis par la mer perdent leur caractère de propriété privée et deviennent automatiquement des dépendances du domaine public maritime, sauf si ces lais et relais sont antérieurs à la loi du 28 novembre 1963. Dans ce second cas, ils appartiennent au domaine privé de l’État et doivent être incorporés dans son domaine public. La datation des lais et relais est donc décisive pour connaître leur statut.

61Toutefois l’incessibilité du domaine public date du xve siècle, de sorte qu’en principe, les particuliers ou collectivités pourront conserver leur propriété, même submergée par les flots, dans les rares cas ou ils pourront justifier l’avoir acquise avant cette date. Cependant, pendant la Révolution française, certaines lois d’exception ont permis des cessions de domaine public maritime au titre de la vente des biens nationaux, de sorte qu’un propriétaire peut parfois démontrer ses droits en ne remontant que jusqu’à 1791. Il doit néanmoins présenter des titres de propriété continus depuis cette date.

62En dehors de ces exceptions, dans la plupart des cas, les terres submergées sont incorporées au domaine public maritime, que la submersion soit naturelle ou qu’elle soit provoquée par l’État lui-même comme par exemple lors de la destruction d’une digue de défense contre la mer sans qu’y fasse obstacle la circonstance que la démolition de cet ouvrage aurait été le fait de l’administration, (CE 18 juin 1976, Ménard et dame Pujol).

63L’incorporation dans le domaine public maritime naturel résulte généralement de phénomènes naturels. Elle se produit de façon spontanée, dès lors que le bien présente les caractères matériels concernant la composition du domaine public maritime prévus à l’article L2111-4 du Code général de la Propriété des Personnes publiques. En vertu de cet article, font partie du domaine public maritime le rivage de la mer, les lais et relais, les havres et rades, les étangs salés en communication avec la mer, le sol et le sous-sol en communication avec la mer.

64L’incorporation au domaine public se fait donc de manière automatique dès lors qu’un espace entre dans une de ces catégories, quel que soit le phénomène physique ayant engendré sa modification (Calderaro, Lacrouts, 2005) Avec l’augmentation des cas de submersion, chaque année davantage de propriétés privées sont susceptibles d’être incorporées au domaine public naturel.

65L’incorporation des rivages de la mer au domaine public maritime entraînant la propriété publique, ce phénomène est donc, de fait, extrêmement attentatoire à la propriété privée. Le droit de propriété, qui fait l’objet d’une protection juridique forte (valeur supra législative consacrée à la fois par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui a valeur constitutionnelle et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme), se voit pourtant anéanti dès lors qu’un terrain est submergé par les flots. L’objet de la propriété privée disparaissant par submersion, le titre de propriété se retrouve de facto annulé au profit de l’État.

66Dès lors, aucune atteinte ne pourrait être invoquée par le propriétaire initial, alors que ce dernier peut se retrouver exproprié en dehors de toute procédure légale, notamment en dehors de la procédure d’expropriation de la propriété publique. L’occupant évincé n’aura donc aucune indemnité.

67L’élévation du niveau de la mer emporte ainsi la conséquence que les propriétaires privés ou les collectivités possédant des terrains en bord de mer vont se voir peu à peu destitués de leur droit de propriété au profit de l’État et ce, sans aucune indemnisation. Ces pertes risquent d’être encore plus lourdes si les terrains sont bâtis, et donc si les communes ne font rien pour limiter l’urbanisation du littoral.

68La propriété privée se heurte ici à l’intérêt général qui vise à garantir le libre accès au rivage pour tous consacré à l’article L321-9 du code de l’environnement. Mais on peut se demander si la délimitation du domaine public maritime ne risque pas de susciter, dans les années à venir, des contentieux nombreux, voire des débats sur des choix complexes: peut-on redéfinir le domaine public afin d’exclure l’incorporation des terres submergées ? Peut-on se satisfaire d’une simple servitude de passage le long du rivage, sur des terres qui resteraient privées? Devra-t-on refondre le droit administratif afin d’indemniser ces propriétaires privés? Ou ne doit-on pas tout simplement, par mesure de prévention, limiter strictement les constructions en bord de mer?

Conclusion

69La submersion marine génère des enjeux qui deviendront cruciaux pour les années à venir, en raison du réchauffement climatique et de ses conséquences probables comme la multiplication des fortes tempêtes ainsi que l’élévation du niveau de la mer.

70Les actions préventives de lutte contre les submersions se heurtent le plus souvent à des obstacles liés au fait que le littoral est en France l’un des secteurs où la pression foncière est la plus forte. En outre, la connaissance de cet aléa est souvent insuffisante et peu diffusée, et relève de plusieurs acteurs souvent mal coordonnés (MEDADT, 2007). Par suite, les aménageurs sont peu sensibilisés aux risques et ne raisonnent pas sur de longues périodes.

71La tempête Xynthia qui a frappé principalement les côtes charentaises et vendéennes en février 2010, a malheureusement rendu plus concret le risque que peut engendrer la montée des eaux marines, risque fortement accentué par l’anthropisation du littoral. Cette tempête a tristement montré les lacunes des politiques littorales en la matière et les conséquences qui peuvent résulter de l’ignorance du risque par les décisions d’urbanisme. Dès lors, il y a aujourd’hui une prise de conscience qui se traduit par la volonté de prendre véritablement en compte la submersion dans les opérations d’aménagement, afin d’éviter qu’un tel drame ne se reproduise.

72On constate également un changement récent dans l’approche de la lutte contre les submersions, qui consiste à chercher davantage à s’adapter au phénomène, en imposant par exemple des prescriptions aux constructions telles que des surfaces de plancher-refuge, ou en procédant à des techniques plus radicales, mais aussi plus efficaces, comme le repli stratégique. Ces techniques dites douces visent à être privilégiées, par rapport aux techniques lourdes qui visaient à lutter, parfois à n’importe quel prix, en construisant sans cesse plus de digues. Cependant, des blocages culturels et sociétaux demeurent: sommes-nous prêts à accepter cette incertitude sur l’évolution du paysage, à accepter cette perte de territoire, après tant de générations qui ont cultivé l’art de gagner sur la mer? (ANEL, 2006 ).

Quelles sont les conséquences du changement climatique sur les océans ?

hausse de la température des océans. intensification des précipitations (fortes pluies et grêle) augmentation des cyclones tropicaux violents. augmentation des périodes d'aridité et de sécheresse.

Quels sont certains des effets directs du changement climatique ?

Le GIEC évalue également comment le changement climatique se traduira à moyen et long terme. Il prévoit : Des phénomènes climatiques aggravés : l'évolution du climat modifie la fréquence, l'intensité, la répartition géographique et la durée des événements météorologiques extrêmes (tempêtes, inondations, sécheresses).

Quel est l'impact des facteurs climatiques sur les paysages ?

Les conséquences des changements climatiques, parmi lesquelles les inondations, les sécheresses et l'accroissement de la fréquence et de l'intensité des phénomènes météorologiques graves, se font sentir partout sur la planète.

Quelles sont les effets du changement climatique en Afrique ?

«Au cours de l'année 2020, les indicateurs climatiques en Afrique ont été caractérisés par une augmentation continue des températures, une accélération de l'élévation du niveau de la mer, des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes, tels que les inondations, les glissements de terrain et les sécheresses, et ...

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