Comment la pauvreté fragilise les liens sociaux ?

La croissance des Trente Glorieuses, ainsi que le progrès technique et social, ont profondément modifié la structure des emplois. Cela a eu des conséquences sur les rapports et la place des individus dans la société.

Tout d’abord la féminisation de l’emploi a modifié les relations dans la société. Le taux d’activité des femmes est passé de 50 % à 70 % entre 1970 et 2019. De ce fait, les femmes ont acquis un statut professionnel auquel s’ajoute souvent le statut de mère. D’une part, elles obtiennent ainsi une plus grande reconnaissance sociale, d’autre part, elles obtiennent aussi une indépendance financière qui leur fournit un rôle économique mais aussi les protège en cas de séparation. Elles peuvent donc ainsi maintenir leur mode de vie. Cependant, si le lien professionnel se renforce pour elles, c’est souvent au détriment du lien familial car elles ont aussi moins de temps à consacrer à leurs enfants. En outre, la garde d’enfants est souvent aussi un frein à l’intégration des femmes dans le monde professionnel car bien souvent, elles sacrifient leur carrière pour s’occuper de leur progéniture.

En outre, d’autres mutations ont aussi un impact que le lien social. La numérisation du travail, par exemple, modifie le lien social et parfois la sociabilité des individus. Les individus en télétravail sont moins en interaction directe avec les autres, ce qui diminue aussi leur chance de développer des liens amicaux et amoureux au travail. Le travail étant toujours le premier lieu de rencontre du conjoint (14 %), le fait de ne pas pouvoir se croiser pendant les temps de repos diminue les possibilités de rencontre entre collègues.

Ensuite, les mutations de l’emploi ont abouti à des segmentations au sein de la société, parfois excluantes pour les individus. La salarisation a intégré davantage les individus en leur offrant revenu et protection sociale, mais le statut d’indépendant ne garantit pas ce lien économique. Les indépendants se sentent ainsi moins protégés et donc moins intégrés et s’opposent eux-mêmes parfois aux salariés qu’ils considèrent comme privilégiés.

Par ailleurs, les personnes ayant une emploi atypique (CDD, intérim, temps partiel subi, etc.) ne se sentent pas pleinement intégrées à la société, car leur situation n’est pas pérenne. Il n’ont pas l’assurance d’avoir un revenu décent et stable sur du long terme; et ils ne participent pas assez à la production pour satisfaire tous leurs besoins (loisirs ou vacances ne sont pas satisfaits). De plus, leur manque de stabilité empêche aussi leur reconnaissance sociale, car leur statut professionnel n’est pas garanti. En France la norme est l’emploi en CDI pour obtenir un logement, un crédit, etc.

Enfin, si le travail a un rôle intégrateur, le chômage ou l’inactivité est souvent facteur d’exclusion. Le taux de chômage persistant depuis quarante ans autour des 7 %, lié en partie aux mutations économiques, sociales et politiques, est donc aussi une explication à l’effritement du lien social. Nous allons voir comment.

Objectif

  • Connaitre les différents types du lien social et leurs évolutions.

Points clés

  • Les instances traditionnelles d'intégration traversent sans doute une crise qui explique probablement l'amoindrissement des liens sociaux.
  • Il faut cependant observer aussi les capacités de rebonds de ces instances et les capacités créatrices de notre société pour sortir de la crise.

Considérons quatre sphères de l'intégration :

  • tout d'abord, le travail, le premier grand intégrateur qui donne revenu, statut, identité, relations sociales ;
  • puis l'État qui par le biais de l'école et de la protection sociale (État providence) permet la socialisation, la formation, l'assistance et l'assurance, mais aussi la participation politique ;
  • la famille qui est l'instance de socialisation par excellence et qui tisse un réseau de solidarités important ;
  • et enfin la sphère des associations d'entraide, des amitiés, les clubs...

Ces quatre sphères peuvent avoir plus ou moins, suivant les périodes, de capacités à intégrer, ou à exclure. Qu'en est-il aujourd'hui ?

1. Le lien social issu du travail est-il en crise ?

a. Les transformations des emplois engendrent la crise

Après 1945 était apparue une norme d'emploi caractérisée par le plein emploi, des emplois stables, des assurances sociales liées au travail et par un salaire minimum. Mais avec le développement du chômage, des emplois précaires, des temps partiels subis, on peut se demander si la cause des cas d'exclusion actuels ne réside pas dans la dégradation de la condition des salariés. Le lien social en crise aurait alors pour origine : le travail !

Un emploi précaire ne permet pas à l'individu de consommer comme les autres. Il ne peut pas faire de projets à long terme ou encore prétendre à des positions hiérarchiques élevées. Ses relations sociales à l'intérieur de l'entreprise sont limitées et il ne peut pas développer son capital social. La multiplication des travailleurs pauvres pose ainsi un problème d'intégration.

b. Les mutations de l'emploi ne suffisent pas à expliquer la crise du lien social

À l'opposé de cette thèse, on peut dire toutefois que la population active n'est encore que minoritairement touchée par la précarité du travail et que le taux de chômage élevé est accompagné d'une protection sociale (indemnités chômage par exemple) conséquente. La France est ainsi moins exposée à l'exclusion sociale du fait des problèmes d'emploi grâce à son système de protection sociale efficace. Ce n'est pas le cas de pays comme les États-Unis par exemple.

2. L'État et le lien social

a. L'État dissout-il le lien social ?

Dans notre société, l'État a joué un rôle important dans la construction volontaire de la nation et du lien social. Les contributions de l'État sont nombreuses : l'école publique encadre aujourd'hui 15 millions d'élèves et d'étudiants, l'État est aussi patron et emploie un grand nombre de fonctionnaires. De plus, l'État protège par l'intermédiaire de sa fonction d'État providence.

Il exerce une protection économique (allocation chômage par exemple) mais aussi sociale (accompagnement des chômeurs pour retrouver un emploi avec le pôle emploi). Il combat l'exclusion et crée une solidarité horizontale (des bien-portants vers les malades par exemple) et verticale (des plus riches vers les plus démunis) entre tous les citoyens.

b. L'État traverse-t-il une crise susceptible d'engendrer la désagrégation du lien social ?

La crise de l'État est manifeste si l'on observe les difficultés de financement de la protection sociale : les dépenses augmentent et les recettes diminuent. L'efficacité des dépenses est par ailleurs contestable, puisque l'exclusion ou la pauvreté dans notre pays ne diminuent pas, malgré les sommes allouées toujours plus fortes en direction des plus démunis. La crise de la dette des États européens les pousse à devoir faire des économies budgétaires qui se répercutent sur la qualité de la protection sociale.

L'État traverse sans doute une crise de légitimité : les aides sociales, les services sociaux intègrent efficacement mais les actions de l'État continuent de paraître insuffisantes car les objectifs affichés (résorber l'exclusion) ne parviennent pas à être pleinement atteints. De plus en plus de discours s'élèvent contre « l'assistanat » crée par les aides publiques et des mesures comme une contrepartie de 7 heures de travail pour les allocataires du RSA illustrent cet état de fait.

3. La famille : dernier rempart ?

a. La famille fragilisée ?

Les mutations importantes de la famille (divorces, concubinage, célibat, familles monoparentales...) affaiblissent le lien social. Les ruptures familiales semblent fragiliser l'individu et participer au processus d'exclusion.

Robert Castel fait un lien entre l'exclusion, l'emploi et la famille. Pour lui l'exclusion est un processus. Un individu touché par des problèmes d'emploi entre dans une zone de vulnérabilité où l'exclusion le guette si le lien familial est lui aussi rompu. Malheureusement on ne peut que constater un lien statistique entre le chômage et le divorce. L'individu entre alors dans ce que Castel nomme la zone de désafiliation où le lien social est totalement rompu.

b. Une solidarité familiale encore très forte

On note le maintien des formes de solidarité entre les générations : les échanges de services sont très nombreux (garde des petits-enfants, cohabitation plus longue avec les parents, aides financières...), les familles forment des réseaux plus complexes aujourd'hui mais pas forcément moins efficaces.

Les liens familiaux peuvent se renforcer après une séparation car ils ne sont plus mécaniques mais beaucoup plus électifs. Les individus doivent alors faire des efforts pour maintenir ces liens les plus forts possible. Les individus trouvent toujours dans la famille un refuge moral et affectif dans les périodes difficiles quelque soit la forme de la famille.

4. Les nouvelles solidarités...

Les associations et les clubs forment des réseaux importants qui tissent des relations entre les individus, permettent à la socialisation de s'inscrire dans le temps, en d'autres termes, au lien social de subsister. Il semble que ces nouvelles formes de solidarités jouent désormais le rôle qu'ont pu jouer autrefois les solidarités de classes, les syndicats, les partis politiques, et l'apparition de nouvelles instances d'intégration laisse penser que la société connaît des capacités de réaction importantes face aux crises.

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La spirale de la pauvreté remet en cause le lien social D'autre part, ses possibilités d'emprunter sont réduites, il ne pourra pas accéder à la propriété immobilière, par exemple, tant qu'il n'aura pu fournir à sa banque la preuve d'un emploi stable.

Qu'est

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